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La respiration dite « inversée » : Le raffinement du naturel

par 19 juillet 2000Enseignements

La pratique de la respiration « inversée »: ses principes, sa réalisation et son utilisation, est souvent mal comprise et interprétée. Deux experts reviennent en toute simplicité sur cette puissante méthode de conduite des souffles intérieurs.

Notre présentation est une introduction assez synthétique de la respiration inversée. En revanche, nous n’entrons pas dans les détails techniques qui ne peuvent être transmis que directement de professeur à étudiant; en effet, ils nécessitent la vérification par le contact physique et la sensation interne par le professeur du travail de l’étudiant. D’autre part, les développements et applications de cette pratique font l’objet de plusieurs chapitres dans l’un de nos livres et ne peuvent bien sûr être rapportés dans son intégralité dans le cadre d’un article.

 

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Pour expliquer la respiration dite « inversée »  les traités chinois anciens utilisent souvent l’image d’un soufflet de forge.

Ce qu’il faut savoir

Son nom tout d’abord : respiration inversée, respiration dite « taoïste », respiration para- doxale.. Dans le cadre du Qi Gong, Nei Gong et Lian Dan (alchimie interne), cette respiration prend une place centrale dans de nombreux aspects de la pratique. Bien qu’elle soit souvent qualifiée de « taoïste », car il est vrai que les taoïstes l’ont largement utilisée pour leurs pratiques profondes, elle est cependant présente aussi dans la tradition bouddhiste indo-tibétaine puisqu’elle constitue la base d’une des pratiques enseignée en retraite sous le nom de Tsalung (Tsa : canaux ; lung : souffles) dans les six yogas de Naropa, mais aussi dans le Chan chinois et dans sa version japonaise, le Zen. Cela étant, chacun a fait l’expérience de cette respiration de nombreuses fois sans le savoir, la plupart du temps à travers des situations d’effort physique, comme sauter, pousser quelque chose de lourd.. car il faut le dire, cette respiration est comme la respiration régulière une « respiration naturelle ». Aussi, dans nos vies quotidiennes, la respiration régulière est utilisée spontanément dans les situations de repos ou ne nécessitant pas d’effort physique important tandis que la respiration inversée apparaît dès que nous devons faire un effort physique important ou pour une récupération après celui-ci. Dans le cadre des pratiques énergétiques, elle est seulement utilisée consciemment à d’autres fins que de fournir un effort physique intense. C’est précisément ce qui est difficile quand on en aborde l’apprentissage car dès l’instant où l’on cherche à la provoquer volontairement, on ne dispose plus des déclencheurs naturels spontanés.

Le point de vue pratique

Puisque cette respiration est naturelle, si nous voulons l’utiliser dans une autre situation, qu’est-ce qui va faire que dans un exercice de Qi Gong ou autre, c’est elle qui va s’amorcer spontanément et non la respiration régulière habituelle? Ce qui nous amène à une deuxième question : quels sont les déclencheurs naturels de cette respiration? Car souvent, nous prenons les effets anatomiques de cette respiration pour ses causes ; comme, par exemple, le ventre qui rentre, le périnée qui se soulève légèrement, l’ouverture des côtes au niveau des reins.. Bien que tout ceci soit exact et nous pouvons tous l’observer, tenter de le provoquer volontairement par ses effets, serait comme tenter de faire sécréter consciemment son suc gastrique lorsqu’un aliment atteint l’estomac, ou encore provoquer le péristaltisme de ses intestins quand le chyle les remplit (voir soufflet de forge).

L’image du soufflet de forge

Pour expliquer cette respiration, les traités chinois anciens utilisent souvent l’image d’un soufflet de forge ; elle est particulièrement pertinente pour comprendre justement quels sont ses déclencheurs naturels. Comment fonctionne un soufflet? Par une action d’ouverture dans deux directions opposées, il va se produire une aspiration de l’air par le vide créé. Ainsi, par un allongement haut-bas de la colonne vertébrale (pompage cranio-sacré) associé à une ouverture gauche-droite des omoplates, un inspir en respiration inversée va naître. Il correspond à une mise en tension de l’arrière du corps comme dans le cas de la préparation à un saut. L’expir qui suivra sera un relâchement de cet allongement cranio-sacré et un retour des omoplates à leur position initiale. Dans le même temps, le ventre se dilate par le relâchement sur la face antérieure du buste.

L’image de l’ombrelle

Si l’image du soufflet de forge explique son principe, l’image de l’ombrelle éclaire ce qui peut favoriser et ce qui peut gêner, voire empêcher la respiration inversée. Cette image est celle qu’utilisait Me Chu King Hung dans son enseignement du souffle interne. Lorsque nous ouvrons une ombrelle, nous le faisons depuis le bas et nous remontons le long du manche. Aucun obstacle ne doit gêner ce déploiement; tenir serré le haut de l’ombrelle ou mettre du poids dessus empêchera ou gênera nécessairement son ouverture. De plus, l’ombrelle s’ouvre par la fixité ou la descente de son centre et l’élévation de la périphérie. Il en est de même pour le buste. Le diaphragme descend en son centre tandis qu’à l’arrière et sur les côtés, les bords de la cage thoracique s’élèvent.

L’image de l’ombrelle nous enseigne donc que plusieurs facteurs aideront le déploiement de l’inspiration de la respiration inversée :

  • Préparer la flexibilité de la cage thoracique évitera que le diaphragme ne lutte contre une structure rigide ou bloquée par une sorte d’emmaillotage tendino-musculaire. On voit là toute la pertinence de la progression du Qi Gong qui débute son étude par le corps et le mouvement avant d’introduire la respiration.
  • Libérer les aisselles afin que le poids des bras ne s’oppose pas à l’ouverture de la cage thoracique.
  • Démarrer le mouvement qui va induire la respiration inversée par le bas.

 

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Crédit Photo : Radu Razvan – FOTOLIA – L’image de l’ombrelle éclaire ce qui peut favoriser et ce qui peut gêner, voire empêcher la respiration inversée.

Précautions et dangers

La pratique de la respiration inversée dans le cadre des arts internes doit faire l’objet d’une grande vigilance ; autant pour la préparer avant de commencer son étude que dans sa pratique elle-même :

  • A l’inspiration : en premier lieu, il est nécessaire d’avoir atteint un haut degré de détente corporelle. Notamment celle du plexus solaire qui, sinon, entraînerait des troubles fonctionnels du cœur, de l’estomac, de la vésicule biliaire. Ensuite, le mouvement intérieur qui suit le déploiement en « ombrelle » de la cage thoracique ne doit pas s’élever au-dessus de Shan Zhong, au centre de la poitrine, pour ne pas entraîner un afflux d’énergie Yang trop important vers la gorge et la tête qui conduirait, par une pratique répétée, à des troubles sérieux (hypertension, confusion mentale, céphalées..). Lors de sa pratique, ne pas excéder, surtout au début, 70 % de l’amplitude maximale de l’inspiration.
  • A l’expiration : dans cette phase respiratoire, le haut du corps doit bien se détendre et ne pas retenir le souffle dans le haut du corps. Le ventre se déploie et la pression interne appuie sur le pourtour du vaisseau de ceinture (Dai Mai) et vers le bas à l’intérieur du corps.

Le point de vue énergétique

Développés succinctement, voici les principes énergétiques liés à la respiration inversée.

Une respiration alchimique

Pour expliquer cet aspect, il nous faut évoquer le mode de respiration de l’embryon. Les taoïstes font référence à cet aspect dans de nombreuses sources. Ils y voient le moyen de respirer et de se nourrir par le cordon ombilical, lien vital à la mère. Les anciens décrivent que c’est par un pompage approprié au niveau de l’abdomen que l’embryon accomplit cet acte. De fait, la trace corporelle dans nos corps après la naissance de cet âge prénatal est notre nombril qui, précisément, se rétracte à l’inspiration dans la respiration inversée. Ainsi, le mouvement du nombril vers l’intérieur de l’abdomen lors de l’inspiration est pour les taoïstes la mémoire de cette action de pompage de déclencheurs, en fait une pratique naturelle de Xiao Zhou Tian (Petite Circulation Céleste) ; elle crée une montée et une mise en tension à l’arrière du dos et une descente et un relâchement sur l’avant suivant les trajets de Du Mai (Vaisseau Gouverneur) et Jen Mai (Vaisseau de Conception). Le mouvement de l’intention accompagne le flux et le reflux du souffle engendré par ce mode respiratoire.

Quelques applications

La respiration inversée peut être utilisée dans différentes situations dont celles que nous vous présentons ici succinctement.

Une pratique pour nourrir la vie

C’est la propriété de mise en relation des souffles extérieurs et intérieurs qui, aux yeux des maîtres taoïstes et tibétains (bouddhistes ou böns), en font une pratique de jouvence. Le souffle extérieur vient nourrir le souffle intérieur qui se tarit progressivement et inévitablement à travers nos activités physiques, émotionnelles et mentales et débouche naturellement sur le vieillissement et la mort. Ainsi nourrie, une partie de notre souffle peut se condenser à nouveau et reconstituer en partie notre vitalité (Jing).

Une pratique de paix et de félicité

La respiration inversée permet une puissante conduite des souffles intérieurs, de même qu’une perméabilisation de nos canaux. C’est d’ailleurs dans ce sens qu’elle est nommée Tsa Lung dans les traditions tibétaines. Cette propriété de perméabilisation a notamment pour conséquence de faire pénétrer les souffles dans le canal énergétique central entraînant ainsi une expérience de paix et de félicité.

Arts martiaux internes

Précisément parce que les arts martiaux nécessitent des actions où l’effort est présent, ils sont un champ naturel de l’application de la respiration inversée. Plusieurs aspects sont intéressants sur ce point :

 

  • Aspect mécanique : l’ouverture en « ombrelle » de la cage thoracique à l’inspir crée une voûte qui assure une meilleure liaison entre la ceinture pelvienne et la ceinture scapulaire. Il y a ainsi moins de déperdition dans la force produite par les jambes et dirigée par la taille qui arrive au tronc et aux membres supérieurs.
  • Aspect dynamique : la respiration inversée permet une mise en tension élastique à l’inspiration et un relâchement à l’expiration. Ceci recouvre le principe du tir à l’arc souvent utilisé dans les arts martiaux internes pour libérer l’énergie interne élastique (Dan Jin) ; c’est-à-dire que la force est accumulée sur le temps yin (bander l’arc) et libérée sur le temps Yang (décocher la flèche).
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