“Belle Lune d’argent, j’aime à te voir briller, Sur les mâts inégaux d’un port plein de paresse, Et je rêve bien mieux quant ton crayon caresse, Dans un vieux parc, le marbre où je viens m’appuyer. J’aime ton jeune éclat et tes beautés fanées, Tu me plais sur un lac, sur un sable argentin,
Et dans la vaste nuit de la plaine sans fin, Et dans mon cher Paris, au bout des cheminées.” – Jean MOREAS (18561910) (Les Stances)
À quelques heures de la nouvelle Lune en taureau, je vous invite à nous arrêter quelques instants sur le symbolisme fondamental du cycle lunaire et tout particulièrement de la nouvelle Lune ou Lune noire.
La Lune, toujours en mouvement, inspiratrice aussi bien des philosophes, des poètes que des musiciens ou des peintres est l’astre de la nuit.
Chaque mois elle croît en forme et en luminosité, atteint son apogée, décroît, puis meurt (elle devient alors totalement invisible). Nous sommes dès lors plongés dans des ténèbres qui durent trois nuits avant que ne réapparaisse le délicat petit croissant aussi fin qu’un trait de plume argentée symbole de renaissance. Elle revient, renait donc chaque mois et symbolise ainsi l’espoir, le renouveau et la fécondité.. C’est réellement l’astre qui illustre de manière évidente le concept de métamorphose et de cycle.
C’est aussi l’emblème des femmes et du féminin, à un jour près nos cycles sont identiques et comme elle, Femme varie !
Symbole des rythmes biologiques et du temps qui passe, la Lune régit les pluies, les fluides corporels et la lymphe, la végétation, la fertilité et la fécondité, le début et la fin des choses. Depuis les temps les plus immémoriaux ses phases croissantes et décroissantes ont servi à définir les calendriers, bases de repères pour rythmer tant la vie sociale ou religieuse que pour organiser la vie pastorale et agricole. Selon Mircéa Éliade, son nom indogermanique serait le plus ancien des noms d’astre et signifierait : je mesure.
Nouvelle Lune, Premier Quartier, Pleine Lune et Dernier Quartier formaient le mois lunaire défini sous le terme de “Lunaison”.
La lune peut être considérée comme la “messagère cosmique” qui nous rappelle que l’action juste doit être réalisée au moment juste et que nous pouvons nous fier à sa sagesse. Elle nous ouvre une porte vers la spiritualité car la nuit est propice à l’intériorité et à la méditation, d’ailleurs nos ancêtres celtes considéraient que la journée commençait avec la nuit, temps sacré où la lumière indirecte n’aveugle pas, au sens littéral et figuré. Elle éclaire les ténèbres de sa douce lumière et accompagne l’éveil de notre conscience, de notre imagination, de notre sensibilité et de notre intuition. Elle nous prépare d’une certaine manière au feu solaire, son humidité et sa fraicheur nous en protège..
Elle agit aussi sur nos émotions et plus particulièrement sur les états émotionnels collectifs.
Pour en revenir à notre nouvelle Lune, dans l’antiquité, les trois nuits sans Lune étaient extrêmement redoutées.
Elles décrivaient l’aspect sombre et terrifiant du féminin personnifiées par les déesses qui régissent la vie et la mort telle que Lilith, destructrice et vengeresse, et Perséphone qui, détentrice des clés du monde souterrain et psychopompe, guide les âmes des morts.
La Lune noire dévorante et malveillante régit les cauchemars et la magie noire. C’est ce qui explique peut-être la peur collective à l’égard du féminin qui a facilité la condamnation de milliers de « sorcières » à être noyées, ensevelies vivantes ou brûlées vives sur le bûcher par l’inquisition qui a su manipuler et utiliser ces peurs. Mais la nouvelle Lune est également signe de renouveau et d’espérance, elle est le moment idéal pour préparer l’avenir en faisant place nette du passé, de grands évènements publics, telles les Olympiades grecques, débutaient avec la Lune nouvelle ainsi que la cueillette du gui chez les Celtes.
D’un point de vue astronomique durant ces trois nuits, le soleil et et se couchent en même temps, mais du
fait que chaque jour la Lune se lève cinquante minutes après le soleil, petit à petit elle réapparait et, creusant son décalage, devient chaque nuit de plus en plus visible. Cette phase croissante illustre notre tension vers l’infini et l’unité primordiale, alors que la phase décroissante nous invite à nous tourner vers le sens et l’essentiel. La nouvelle Lune marque le début de cette phase de croissance dans tous les sens du terme, et la phase de décroissance cette intériorisation indispensable pour orienter sagement notre croissance. On voit là toute l’importance de la nouvelle Lune qui clôt un cycle et en initie un nouveau.
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