« Nous n’habiterons pas toujours ces terres jaunes, notre délice.. L’Été plus vaste que l’Empire suspend aux tables de l’espace plusieurs étages de climats. La terre vaste sur son aire roule à pleins bords sa braise pâle sous les cendres. — Couleur de soufre, de miel, couleur de choses immortelles, toute la terre aux herbes s’allumant aux pailles de l’autre hiver — et de l’éponge verte d’un seul arbre le ciel tire son suc violet. Un lieu de pierres à mica ! Pas une graine pure dans les barbes du vent. Et la lumière comme une huile. — De la fissure des paupières au fil des cimes m’unissant, je sais la pierre tachée d’ouïes, les essaims du silence aux ruches de lumière ; et mon cœur prend souci d’une famille d’acridiens.. Chamelles douces sous la tonte, cousues de mauves cicatrices, que les collines s’acheminent sous les données du ciel agraire — qu’elles cheminent en silence sur les incandescences pâles de la plaine ; et s’agenouillent à la fin, dans la fumée des songes, là où les peuples s’abolissent aux poudres mortes de la terre » St John Perse Anabase, VII.
Tandis que le calendrier et le pêcher bourgeonnant nous promettent le printemps mais qu’il neige à gros flocons sur les mangeoires et les oiseaux aux plumes ébouriffées, il me vient des désirs de voyages !
Et comme il n’est pas encore temps de s’envoler vers de lointains paysages, je me tourne vers les poètes et les peintres pour apaiser ma soif de couleurs, d’épices, d’émerveillements et d’émotions nouvelles..
St John Perse Anabase, VII.
Et voici qu’émerge de ma mémoire émue, les poèmes de St John Perse qui mêlent grâce des sentiments intimes et puissance évocatrice..
Si vous n’avez pas la chance d’avoir croisé ses écrits au hasard des chemins, voici quelques mots sur la vie d’Aléxis Léger dit St John Perse (texte extrait de : http://fondationsaintjohnperse.fr/uneviedepoeteetdediplomate/).
Éternel voyageur, exilé à plusieurs reprises toute son œuvre est empreinte de réceptivité contemplative et de passion nostalgique et frémissante.
« Des Caraïbes à la Méditerranée, en passant par l’Asie et l’Amérique, Alexis Leger dit Saint John Perse (18871975) a assemblé tout au long de sa vie – à l’exception des années diplomatiques – une œuvre essentielle dans la poésie française du XXe siècle, saluée en 1960 par le Prix Nobel de littérature. »
Enfant des îles, il grandit avec ses trois sœurs en Guadeloupe. La perte du royaume de son enfance lors de la venue de la famille en métropole, ses rencontres avec Francis Jammes puis Paul Claudel ainsi que la disparition de son père, l’incitèrent à rechercher en même temps l’évasion à travers l’écriture et la stabilité d’une carrière aux Affaires étrangères.
Après un début remarqué dans l’écriture poétique (Anabase, écrit en Chine en 1917), il renonce à la poésie et lui préfère la carrière diplomatique. Évincé du poste clé de secrétaire général du ministère des Affaires étrangères en 1940 par Paul Reynaud, privé de ses droits par le gouvernement de Vichy, il s’exile alors aux États-Unis où il écrivit ses plus grands poèmes – Exil, Vents, Amers – et ne rentre en France qu’en 1957 pour s’établir en Provence à la presqu’île de Giens où il meurt en 1975.
Son œuvre, comme son existence, est placée sous le signe du nomadisme et de l’émerveillement face au monde, aux éléments et à la nature.
Elle comporte quatre cycles : Antilles, Asie, Amérique, Provence. Ces lieux sont porteurs de découvertes, d’aventures mais aussi de solitude et d’exil, sources de création.
Composée de matériaux choisis, la poésie monde de Saint John Perse relie les continents et les savoirs par un langage étonnant. Pour lui, « plus que mode de connaissance, la poésie est d’abord mode de vie – et de vie intégrale ».
La Fondation Saint John Perse rassemble aujourd’hui son patrimoine littéraire et politique au sein de la Cité du Livre d’Aix-en-Provence.
À nulle rive dédiée, à nulle page confiée la pure amorce de ce chant..
D’autres saisissent dans les temples la corne peinte des autels :
Ma gloire est sur les sables ! Ma gloire est sur les sables ! Et ce n’est point errer, ô Pérégrin,
Que de convoiter l’aire la plus nue pour assembler aux syrtes de l’exil un grand poème né de rien, un grand poème fait de rien..
Sifflez, ô frondes par le monde, chantez, ô conques sur les eaux ! J’ai fondé sur l’abîme et l’embrun et la fumée des sables. Je me coucherai dans les citernes et dans les vaisseaux creux.
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