“Il y a un temps où ce n’est plus le jour, et ce n’est pas encore la nuit. […] Ce n’est qu’à cette heure-là que l’on peut commencer à regarder les choses, ou sa vie: c’est qu’il nous faut un peu d’obscur pour bien voir, étant nous-mêmes composés de clair et d’ombre.”
En cette journée lumineuse et froide, je vous invite à me suivre sur les traces de François Cheng. Philosophe, poète et calligraphe, François Cheng nous a offert (entre autres), il y a quelques années, un magnifique ouvrage intitulé « Et le souffle devient signe », vrai portrait d’une âme à l’encre de chine, ce recueil est un enchantement où se mêle poème calligraphié et interprétation poétique.. En voici un extrait, hélas sans la Calligraphie..
« Marcher jusqu’au lieu où tarit la source Et attendre assis que montent les nuages Parfois errant, je rencontre un ermite ; On parle, on rit, sans souci du retour. » – Christian Bobin
Ce poème philosophique est parfaitement équilibré avec une sorte d’élan et une rythmique qui invite à la randonnée. Le
poète marche jusqu’à la pointe de lui-même, au lieu où tarit la source, là où l’homme se dépouille de la préoccupation de paraître, de la possession ou de l’ambition, pour atteindre son être profond. Simplement heureux d’être lui-même, il attend la montée des nuages. Ce n’est pas une image bucolique mais une quête spirituelle. Les nuages révèlent pour un chinois, la loi du souffle : l’eau s’évapore du fleuve, se condense dans le ciel et retombe en pluie qui alimentent la courant. Son cycle qui relie la terre et le ciel est le signe que le mouvement est circulaire. C’est au terme d’une transformation de soi et de cette initiation à l’«ouvert» de la vie que le miracle de la rencontre humaine peut advenir : un échange désintéressé et tendu vers le haut. Le dernier vers évoque l’éblouissement de la vraie rencontre qui transcende le temps. Ce qui naît entre les êtres – entre les signes – engendre un nouvel espace où l’aller et le retour sont synonymes de l’infini..
Bonne randonnée..
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